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Rivière de la Reyssouze : l'importance de la renaturation

À Bourg-en-Bresse, dans l’Ain, le Syndicat de la rivière Reyssouze et de ses affluents mène un vaste projet de renaturation baptisé " Rey-De-ca" ( Reyssouze, Dévorah, canal de Loëze). L'objectif : redonner à la rivière ses formes et ses fonctions naturelles, altérées par des décennies d’aménagements, pour restaurer la biodiversité, améliorer la qualité de l’eau et renforcer la résilience face au changement climatique. Le programme entend aussi rapprocher les habitants de la Reyssouze, les associer aux décisions et les inciter à s’approprier ce patrimoine commun.

Par Nicolas Vignot
Paru le 25/08/2025

renaturation de la rivière Reyssouze

En Bresse, le syndicat de la Reyssouze et Affluents mène un chantier ambitieux : redonner à la rivière ses formes et ses fonctions naturelles, perdues après des décennies d'interventions humaines. Avec la compétence GEMAPI, Gestion de Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations, ce syndicat mixte fermé regroupe l'agglomération de Bourg-en-Bresse et la communauté de commues Bresse et Saône. Il couvre aujourd'hui 500 km2 et environ 1500 km de cours d'eau, dans un territoire encore humide mais dont la résilience pourrait s'effondrer rapidement en cas d'assèchement prolongé. Le syndicat pilote des opérations de renaturation pour rétablir la dynamique naturelle du cours d'eau, reconnecter les zones humides et restaurer les habitats pour la biodiversité. Il s'appuie aussi sur une instance citoyenne créée il y trois ans, qui réunit habitants et élus pour questionner la stratégie et réfléchir collectivement aux solutions. "Une rivière naturelle fonctionne toujours avec ses côtés: en hiver, elle alimente les zones humides, et en été elle récupère l'eau grâce aux écoulements souterrain", explique Antoine Bozonnet, chargé de mission au syndicat. Or, sur la Reyssouze, "tout ce qui a été recalibré est en très mauvais état", complète le directeur Alexandre Lafleur. L'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, dont dépend le Bassin versant de la Reyssouze, a classé d'ailleurs la rivière en "médiocre", soit 4 sur 5 dans l'échelle du mauvais état écologique.

Naturellement la rivière déborde tous les ans, et inonde les prairies. Très peu de gens en ont conscience. Ce n'est en rien anormal, mais c'est inacceptable pour la société.

Alexandre Lafleur directeur Syndicat Reyssouce et Affluents

"On a voulu s'enlever la notion de risque"

Les causes de cette dégradation remontent aux années 1960-70. L'agrandissement des parcelles agricoles, le remembrement et la mécanisation ont conduit à tracer des lits de rivières tout droits, creusés à la pelleteuse. Les méandres, hauts-fonds et fosses ont disparu, tout comme les débordements réguliers dans les prairies humides. "On a voulu s'enlever la notion du risque. Une société qui a été capable d'aller sur la lune ne va pas se laisser embêter par une rivière.", résume Antoine Bozonnet. En concentrant les écoulements, on a aussi concentré les énergies, augmentant l'érosion et détruisant des habitats fragiles. Résultat: des milieux banalisés, colonisés par des espèces exotiques comme l'écrevisse américaine, la renouée du japon (plante invasive) ou le ragondin. Dans certains secteurs, les radiers et fosses caractéristiques ont totalement disparu, remplacés par un profil uniforme, réduisant la diversité biologique. Face à ce constat, le syndicat de la Reyssouze a choisi d'intervenir sur les secteurs où la morphologie peut être restaurée et où les propriétaires sont prêts à accueillir les travaux. L'approche est pragmatique: agir là où l'efficacité écologique sera optimisée avec les moyens disponibles. "On travaille à la fois sur le lit de la rivière et sur ses marges; en reconnectant les zones humides, en restaurant des mares, en replantant des haies ", précise Alexandre Lafleur. L'enjeu est de rétablir la zone tampon des zones humides en absorbant l'eau en période de crue pour les restituer progressivement en été. "Quand la rivière déborde, elle recharge les sols en eau. C'est ce stock qui, en été maintient un débit d'étiage et aide la rivière à résister au changement climatique", insiste Antoine Bozonnet. Dans ce projet appelé "Reyssouze , Devorah, canal de Loëze" (Rey-De-ca), mené à Bourg-en-Bresse, le syndicat a reméandré environ 4 km de rivière et 2 km de canal bétonné, supprimant des linéaires qui accentuaient les îlots de chaleur urbains. Le tracé a été défini grâce à d’anciennes cartes, à la géomorphologie et à des relevés de terrain, puis recréé à la pelleteuse GPS.

renaturation de la rivière Reyssouze, dans la Bresse

L'ancien lit de la Reyssouze ( fllêche blanche), et le nouveau tracé ( flêche bleue) est presque achevé. Le fond de la rivière sera diversifié grâce à l'installation de souches d'arbres ou de troncs qui favoriseront la vie aquatique. ( images : Reyssouze et affluents)

débétonisation du canal de Loëze, Bourg-en-Bresse

Débétonisation du canal de Loëze qui traverse une partie de la ville de Bourg-en-Bresse dans L'Ain ( Lien vidéo) Ce chantier n’est qu’une partie du programme pluriannuel 2020-2026 de restauration et de gestion des milieux aquatiques piloté par le Syndicat mixte de la Reyssouze. Ce plan d’action à l’échelle de l’ensemble du bassin couvre 11 interventions, de la source jusqu’à la confluence avec la Saône, visant à améliorer la qualité écologique de la rivière, renforcer les zones humides et restaurer les continuités naturelles. Les aménagements intègrent aussi une dimension sociale : accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, intégration des usages de pêche ou de kayak, création d’espaces de promenade.

renaturation de la rivière la Reyssouze

(Source: syndicat mixte de la Reyssouze)

Des moyens financiers ciblés

Pour la période 2020-2026, le programme de restauration et d’entretien de la Reyssouze, incluant notamment le projet "Rey-De-ca" à Bourg-en-Bresse, représente un budget global de 4,8 millions d’euros TTC. L’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse en assure la plus grande part, avec 70 % de l’investissement. Le Conseil départemental de l’Ain complète à hauteur de 10 %. À cela s’ajoute un apport de 500 000 € via le fonds Maïf pour le Vivant / Nature 2050. Le syndicat maître d’ouvrage finance enfin les 10 % restants. Chaque opération est assortie d’un suivi scientifique pour mesurer les effets écologiques et ajuster les interventions. Malgré l’importance des moyens, l’ampleur des besoins oblige à établir des priorités : "On n’a pas l’argent pour restaurer toute la rivière, alors on concentre nos efforts sur les secteurs les plus stratégiques ", souligne Antoine Bozonnet. A delà des financements, le syndicat s'appuie sur une concertation étroite avec les acteurs locaux, notamment les agriculteurs et les communes riveraines. Cette acceptation sociale est jugée cruciale pour la réussite du projet: " restaurer une rivière implique de modifier les usages ou de laisser place aux débordements, ce qui nécessite un dialogue constant", confirme Alexandre Lafleur. Pour compenser la perte de prairies agricoles, le syndicat a travaillé avec la Société d'Aménagement Foncier et d'établissement Rural (SAFER) afin de proposer aux exploitants des parcelles équivalentes, et a versé des indemnisations calculées par la chambre d'agriculture.

Des résultats visibles et un changement de perception

Les premières opérations menées montrent des signes encourageants : retour de certaines espèces locales, meilleure alimentation des nappes, réduction de l’ensablement. Les zones humides restaurées jouent à nouveau leur rôle de régulation naturelle, atténuant les effets des sécheresses et limitant l’intensité des crues. Chez les riverains, la perception évolue. "On ne parle pas seulement d’une rivière qui ne déborde pas, on parle d’un milieu vivant qui rend des services ", souligne Alexandre Lafleur. Des suivis naturalistes ont déjà permis de constater le retour rapide de certaines espèces, comme le brochet ou le blageon, passé de 4 individus avant travaux à une cinquantaine quatre mois après. Les libellules ont aussi recolonisé massivement les zones ensoleillées. Pour le syndicat, ces chantiers ne sont pas seulement une réponse aux dégradations passées : ils constituent aussi une anticipation face aux effets du changement climatique. "Si on arrête totalement ces processus naturels, on n’aura plus aucune résilience ", prévient Antoine Bozonnet. Restaurer la Reyssouze, c’est donc redonner de la vie à un cours d’eau, mais aussi préparer un territoire entier à mieux encaisser les chocs à venir. L’un des objectifs affichés est aussi de ramener les habitants au bord de l’eau, pour qu’ils se réapproprient leur rivière et en prennent soin.

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