Montée des eaux
Face à la montée des eaux , témoignage des premiers délocalisés dans la Manche : "on a laissé nos souvenirs derrière nous"
02/01/2025
paru le 29/01/2024 par
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Il suffira d’un bâtiment, le Signal de Soulac-Sur-Mer, pour que les pouvoirs publics prennent conscience du danger que représente le retrait de côte sur les habitations du bord de mer. En février 2023, l’immeuble de quatre étages a été détruit. L’avancée inexorable de la mer sur la terre a eu raison de ce bâtiment construit en 1967 à 200 mètres du rivage. Chaque année l’océan grignotait 4.5 mètres de terre en moyenne, fragilisant la dune sur laquelle Le Signal a été construit. Le réchauffement climatique et les aléas météorologiques de plus en plus fréquents, comme la violente tempête Xynthia de 2010, ont accéléré d’autant l’érosion du cordon dunaire, protection naturelle contre l’avancée de la mer. En 2014, le préfet ordonna l’évacuation des 78 logements que constituait Le signal, alors que l’immeuble ne se trouvait plus qu’à quelques mètres de la mer. « 10 ans de procédure judiciaire, qui nous ont coûté très cher et qui ont abouti à une indemnisation, que l'on a bien été obligé de prendre, bien qu'elle ne couvrait pas la totalité de l’estimation de la valeur du Signal, hors aléas. Nous avons obtenu 70% de cette valeur. » Jean-José Guichet président du syndicat des copropriétaires
Une expropriation qui déclencha une longue bataille juridique entre les propriétaires et les pouvoirs publics. L’érosion côtière n’entrant pas dans la cadre de la loi Barnier, le syndicat de copropriété s’est vu débouté par le tribunal administratif de Bordeaux. Réservé aux risques naturels majeurs mais pas à l’érosion dunaire, le prix de leurs biens immobiliers ne pouvait être couvert par le fond d’indemnisation Barnier. Après un ultime revers du conseil d'État en 2018, le syndicat des propriétaires s'est vu attribuer gain de cause par un allongement de sept millions d'euros du budget 2019 voté par l'Assemblée nationale. Hormis cet amendement parlementaire, qui n'a pas vocation à faire jurisprudence, le vide juridique plane au-dessus du risque érosion alors que le changement climatique accentue de plus en plus ses effets. Si le Signal à Soulac-sur-Mer n’a pas fait jurisprudence, il n’en reste pas moins un exemple concret face aux indemnisations des habitations menacées sur le littoral. En France, ce sont 50 000 logements, 750 entreprises et des dizaines d’infrastructures qui sont menacées par l’érosion côtières selon le ministère de la transition écologique. La question du financement reste entière. Le cas du Signal est aussi symbolique qu’exceptionnel car l’indemnisation des 75 propriétaires en 2021 à hauteur de 70 % de la valeur des logements, a été rendue possible par une loi… limitée au cas du Signal. Il est impossible de délocaliser les habitations et activités économiques sans pouvoir proposer une indemnisation aux propriétaires. La signature de contrats de projet partenarial et d’aménagement (PPA) entre l’Etat et les collectivités apporte un début de réponse. La loi Climat résilience fait du PPA un outil clef des opérations de recomposition des territoires en facilitant l'intervention des établissements publics fonciers (EPF) et en permettant des dérogations mesurées à la loi littoral.
En clair, préempter un bien immobilier par les communes, dès lors qu’il s’en trouve menacé, sera désormais possible. En Nouvelle Aquitaine trois PPA « trait de côte » ont été signées. Elles concernent les communes Saint-Jean-de-Luz, Lacanau et Biscarosse. Dans cette commune Landaise deux villas de 22 appartements et un hôtel sont dans la même situation que le Signal. Vincent Bawedin, chargé de mission du trait de côte et planification à la communauté des Grands Lacs, estime que la situation avance. "Grâce au PPA, nous allons bénéficier des fonds verts pour la renaturation et la relocalisation des logements et des activités, soit 5 millions d’euros alloués." Reste les montants d’indemnisation, comment sont-ils calculés ? D’après l’ordonnance du 6 avril 2022 de la loi climat et résilience, la mise en place d’une « méthode d’évaluation adaptée » devrait entraîner une décote proportionnelle à l’imminence du risque. Mais dans le texte, aucune formule de calcul n’a été donnée. Ce qui laisse place à de nombreuses interprétations… et de possibles contentieux. Source AFP / Water Guette