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Océan

Le climat est "Notre Affaire à Tous"

La France respecte-t-elle ses engagements climatiques ? Pour Notre Affaire à Tous, la réponse est non. L’association engage un nouveau recours, "le Procès pour la Part Juste", afin de rappeler que l’État doit contribuer à hauteur de ses responsabilités.

Par Nicolas Vignot
Paru le 10/12/2025

Notre affaire à Tous repart à l'offensive. Jeudi 4 décembre à Paris, l'association a annoncé un nouveau recours en justice contre l'état français: le procès pour la part juste. Selon elle, la France ne respecte pas sa "part juste" dans l'effort climatique mondial, en contradiction avec ses engagements internationaux et ses obligations juridiques.

"La part juste", de quoi s'agit-il ?

La "part juste" désigne la portion du budget carbone mondial que chaque pays peut encore émettre pour rester sous la barre de 1.5°C. Elle se calcule en tenant compte de deux critères reconnus en droit international: "sa responsabilité historique dans le réchauffement et sa capacité économique à agir." Concrètement, cela signifie que les pays qui ont le plus émis dans le passé et disposent de plus de moyens doivent réduire plus vite et plus fortement leurs émissions que les autres. Pour rendre cette idée tangible, l'association Notre Affaire à Tous a choisi de présenter un gâteau lors de la conférence de presse. Il ne s'agissait ni d'un gadget, encore moins une célébration, mais bel et bien la représentation équitable du budget carbone mondial. La portion censée revenir à la France était déjà bien entamée, une gourmandise mal placée, mais un moyen simple de visualiser et de comprendre les responsabilités différenciées des Etats. En appliquant ces critères au cas français, tels que reconnus par la cour internationale de justice ( CIJ) et la cour internationale des droits de l'homme (CEDH), le pays n'a plus aucun budget carbone disponible. Selon les calculs présentés, son budget compatible avec les 1.5°C devient même négatif ( -7,57 Gt Co2)

Des émissions qui ne baissent pas assez vite

Pour Elsa Ingrande, chargée de campagne de l'association, le constat ne surprend plus mais il inquiète davantage. " Le manque d'action nous met en danger collectivement." Une phrase qui résonne à la lumière des données publiées ces derniers mois. Car si la France revendique une trajectoire climatique ambitieuse, les chiffres racontent autre chose. Les émissions nationales n'ont reculé que de -1.8% en 2024, et les premières estimations pour 2025 plafonnent autour de -0.8%. On est loin, très loin, des réductions de -5% par an exigées pour tenir la trajectoire européenne et plus encore de ce qu'exige un partage équitable de l'effort mondial. Jérémie Suissa, délégué général de l'association, voit dans cette lenteur un symptôme plus profond. Une décennie perdue, selon lui, au moment même où chaque année compte double.

Ça fait dix ans qu'on nous raconte des histoires. À force d'esquiver les responsabilités, on fabrique de l'impuissance politique, alors que les droits humains sont déjà affectés.

Jérémie Suissa, délégué général Notre Affaire à Tous

Le recours pointe aussi un angle mort majeur. Les émissions importées représente près de la moitié de l'empreinte carbone française. Elles restent largement absentes des politiques climatiques nationales. Le haut Conseil pour le climat observe une hausse continue de ces émissions depuis 2016, à l’exception des années où l’activité économique a fortement ralenti ( ex: années covid).

Eau & climat : ce que dit la science

Le réchauffement climatique modifie profondément le cycle de l’eau, selon le GIEC et Météo-France. L’augmentation des températures entraîne : plus d’évaporation, un assèchement accru des sols, une baisse des débits estivaux, une recharge plus faible des nappes phréatiques, des étiages plus longs et plus sévères. Le GIEC souligne que "le réchauffement augmente l’évaporation et réduit la disponibilité en eau dans de nombreuses région." Météo-France confirme qu’en France, " les cours d’eau affichent des débits plus faibles en été et les sols se dessèchent plus rapidement." Pour le ministère de la Transition écologique, ces tendances traduisent "une pression croissante sur les ressources en eau", avec un risque accru de conflits d’usage et de tensions sur les écosystèmes aquatiques.

Le piège des prêts climatiques

Autre point de tension : les financements internationaux. En 2022, 92 % de l’aide climatique bilatérale française a été versée sous forme de prêts. Autrement dit, les pays vulnérables reçoivent de l’argent pour faire face au changement climatique… mais doivent ensuite le rembourser. Selon le rapport d' Oxfam, "ces prêts représentent 62 milliards de dollars, mais peuvent entraîner jusqu’à 88 milliards de remboursements", aggravant la dette des pays déjà les plus exposés, soit un différentiel de 42% à la faveur des créanciers. Ce mécanisme crée un cercle vicieux. Plus un pays s’endette pour financer son adaptation, moins il dispose de moyens pour transformer son système énergétique, développer des infrastructures résilientes ou protéger ses ressources naturelles. Faute d’alternatives, beaucoup continuent de dépendre d’activités fortement émettrices pour maintenir leur économie à flot. De fait, la dette alimente les émissions, lesquelles aggravent la crise climatique, qui renforce elle-même les besoins d’adaptation… C’est précisément pour sortir de ce cercle vicieux que Notre Affaire à Tous appelle la France à changer de cap. Le rapport d'Oxfam rappelle que le pays devrait consacrer "à minima 8 milliards d’euros par an au financement climatique international", principalement sous forme de dons, conformément à ses engagements. Financer par le don plutôt que par le prêt, c’est permettre aux pays vulnérables de s’adapter sans s’enfoncer dans la dette, et donc éviter d’alimenter les mêmes émissions que l’on prétend réduire. Entre urgence climatique et le rythme réel des politiques françaises, Notre affaire à Tous ouvre un nouveau front, celui où les engagements internationaux deviennent des standards opposables, et où l'État est tenu de rendre des comptes. Avec le procès de la part juste, le débat sur le climat quitte ainsi le terrain des promesses pour entrer dans celui du droit. Dans un monde où le réchauffement se traduit déjà en tensions sur l'eau, les écosystèmes et les conditions de vie, l'enjeu n'est plus seulement de respecter une trajectoire, mais que le retard accumulé ne devienne irréversible.

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