Culture
Heïdi's Ice : les glaciers de l'archipel du Svalbard , chronique d'une disparition annoncée ?
27/02/2025
paru le 22/03/2025 par
Rédacteur en chef
À la fin de l’été, les glaciers du Svalbard portent encore les traces des dernières fontes, tandis que les premiers signes de l’hiver apparaissent timidement. Le nouveau documentaire de Pierre Dugowson, "Glaciers d'arctiques, état des lieux" s’ouvre sur un vaste panorama montagneux de l’archipel. "Toute la neige sur les montagnes a disparu, et les premières mesures révèlent une fonte trois à quatre fois supérieure aux années précédentes", commente la glaciologue Heidi Sevestre. L’été est "le moment idéal", si l’on peut dire, pour dresser un bilan de santé de ces immenses régulateurs du climat. Une question devient cruciale : reste-t-il encore de la neige sur les glaciers, car cette neige joue un rôle essentiel : "elle constitue une recharge indispensable pour compenser la fonte des glaces", rappelle-t-elle.
A droite de la Glaciologue Heïdi Sevestre, les bédières (rivières de fonte) sont sculptées par l'eau de fonte toujours plus abondante.
Après Heidi’s Ice, tourné en plein hiver arctique, la caméra de Pierre Dugowson retourne sur les terres familières de l’archipel du Svalbard. Une nouvelle saison, une autre lumière, mais une même urgence. À travers ce désert de roches déshabillé de son manteau neigeux, la caméra s'attarde sur les clapotis de l'eau de fonte qui ruisselle vers la mer... "elle emporte avec elle des minerais indispensables à la fertilisation des océans", raconte la glaciologue. Sensibiliser, c’est aussi l’ambition de ce documentaire, qui braque pour la première fois sa caméra sur une fonte visible, tangible, aussi criante qu’une plaie ouverte sur un corps malade. Chaque année, cette eau de fonte augmente. Elle est mesurée grâce à des capteurs toujours plus précis, placés à différents points dans le corps du glacier. "Ces données permettront aussi d’estimer l’élévation future des océans au cours des prochaines décennies", explique le spéléologue Léo Decaux. Mais au-delà de la montée des eaux, une autre inquiétude grandit : l’augmentation des précipitations sous forme de pluie, plutôt que de neige. Un bouleversement insidieux qui menace l’équilibre déjà fragile des glaciers.
Les glaciers constituent le plus grand réservoir d'eau douce de la planète. Le spéléologue Léo Decaux dans le corps du glacier au printemps 2024.
Ils sont loin, et pourtant si proches. Les glaciers d'arctiques sont en danger. Et avec eux, tout un réseau d’écosystèmes dépendants. Le permafrost notamment, cristallise les préoccupations des glaciologues. Véritable "congélateur de pollution", il est en train de libérer ce qu’il a enfermé depuis des siècles. En cause : des records de température relevés en août 2024, avec à la clé la libération de pathogènes anciens, ou encore de mercure issu des activités humaines. Le permafrost couvre environ 23 % des terres émergées de l’hémisphère Nord. Ces sols gelés depuis des millénaires renferment bien plus que des sédiments : "on y retrouve des herbes, des restes d’animaux, et une immense quantité de matière organique figée dans le temps", précise Heidi Sevestre. Lorsque ce sol dégèle, cette matière organique se décompose sous l’effet des microbes, libérant alors du dioxyde de carbone et du méthane, deux puissants gaz à effet de serre. Si la température mondiale atteint +2°C, le permafrost pourrait entrer dans un cercle vicieux, libérant à lui seul autant de gaz à effet de serre qu’un continent entier – l’équivalent des émissions actuelles de l’Union européenne.
Du cœur gelé du Svalbard, un pingo (petit volcan) laisse s’échapper une eau souterraine profonde, chargée de méthane. En s’oxydant au contact de l’air, elle teinte la surface d’orange.
Si la communauté scientifique tire la sonnette d’alarme sur la dégradation accélérée des écosystèmes — et en particulier des glaciers — le documentaire "Glaciers d'Arctiques, état des lieux" ne se limite pas à un constat. Il porte aussi une dimension politique et humaine. Sortir de sa zone de confort : c’est la question que se posent Franziska et Jonathan, deux jeunes glaciologues et universitaires au Svalbard, interrogés dans le film. Face aux bouleversements en cours, leur engagement dépasse le cadre académique. Témoins directs des effets du réchauffement climatique, ils interrogent leur rôle, leur place, et les leviers d’action possibles pour faire bouger les lignes. Alors que le 21 mars 2025 marque la toute première Journée mondiale des glaciers, suivie le 22 mars par la Journée mondiale de l’eau, les images du glacier du Svalbard résonnent avec une urgence particulière. Ce que révèle le documentaire de Pierre Dugowson, c’est avant tout l’intime fragilité de ces géants blancs, devenus symboles d’un climat en bascule. À l’heure où la planète célèbre ses ressources les plus vitales, il est temps de ne plus se contenter de les célébrer, il faut les protéger, faites du bruit !
La première diffusion en avant-première a eu lieu au Grand Action le 19 mars 2025 en présence du réalisateur et de la glaciologue Heïdi Sevestre. Selon nos informations, une version longue est en préparation pour être diffusée dans tous les cinémas à partir de septembre 2025. Plus d'infos sur cosmonaut391
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