Le numéro 8 de la revue Michel, paru au printemps 2025, s’attarde sur le sens pluriel et engagé du verbe " SE MOUILLER". Le média normand décline, avec son goût pour l’ironie et les détours malicieux, l’art de s’impliquer les pieds dans l’eau. Cinq chapitres déroulent, parfois sur le mode de l’expression populaire, les mille manières de faire trempette, mouiller le maillot ou faire des vagues. Le tout prend la forme d’un bel objet graphique, fidèle à l’esprit de la revue : typographies débridées, images en immersion, et contributions narratives fortes, à mi-chemin entre témoignage, reportage et geste artistique.

On se jette à l'eau, tête la première

Ici, Michel ne se contente pas de barboter dans le sujet. Le fameux "pt’être ben qu’oui, pt’être ben qu’non" est mis au rancart. On se jette à l’eau, tête la première. Et ce choix éditorial, à la fois radical et fluide, donne à lire une revue qui ne craint ni les remous ni les embruns. On y croise des nageuses d’hiver, qui bravent les eaux glacées de la Manche en quête de dépassement de soi, mais aussi de communion avec l’élément. On suit les pas et les palmes de scaphandriers et de sauveteurs en mer, dont les récits ancrent l’engagement dans la matière brute du quotidien. Plus loin, un détour réjouissant par l’histoire de la douche interroge nos rituels les plus intimes et la manière dont ils façonnent nos rapports sociaux.

Un chapitre entier est consacré aux luttes maritimes, du côté de Sea Shepherd Normandie ou SOS Méditerranée, où “SE MOUILLER ” prend un sens frontal, urgent, collectif. L’activisme se raconte ici sans filtre, mais avec recul et une certaine tendresse pour celles et ceux qui montent sur le pont. Enfin, la revue met à l’honneur les artistes qui travaillent avec l’eau : objets flottants, matières ondulées, installations littorales… Un portfolio choral, signé notamment Zélie Doffémont ou Aude Bourgine, donne à voir une création contemporaine en prise directe avec les courants qu’ils soient marins ou politiques. En explorant l’eau sous toutes ses formes, élément vital, territoire politique, matière artistique, Michel rafraichit le regard autant que le propos. Il prend position, prend des risques, prend le large aussi. Et dans un paysage médiatique souvent frileux, ce huitième numéro rappelle qu’il est encore possible de faire de la presse un espace libre, mouvant, joyeusement subversif.

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