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Gestion de l'eau / Politique et règlementation

Nestlé Waters: l'autre procès des décharges plastiques

Après le procès des bouteilles Perrier, un autre dossier de Nestlé revient sur le devant de la scène judiciaire . Cette fois, il s’agit des décharges plastiques autour de Vittel, dont le procès attendu fin novembre n’aura probable lieu et sera renvoyé au printemps 2026. Une affaire ancienne, toujours en suspens, qui continue de soulever des questions sur la responsabilité environnementale du groupe.

Par Nicolas Vignot
Paru le 21/11/2025

Déchets de bouteilles plastiques dans les Vosges, laissé par Nestlé Waters

L'autre procès Nestlé Waters tant attendu sur les décharges illégales de bouteilles plastiques autour de Vittel n'aura finalement pas lieu fin novembre. Une simple audience de report se tiendra au tribunal lundi 24 novembre. "Le procès va s'ouvrir à 9h et sera terminé à 10h. Il sera reprogrammé au printemps 2026 ", explique Bernard Schmidt membre du collectif eau 88, et acteur de la première heure dans la révélation de ces décharges. Pour l'association de défense de l'eau, ce renvoi n'est pas une mauvaise nouvelle. Il permettra de présenter un dossier mieux consolidé après plusieurs mois de travail technique et juridique. Initialement prévu au printemps 2025, le procès avait déja été repoussé une première fois car la liste des témoins s'était allongée et de nouvelles pièces avaient été ajoutées au dossier. Cet automne, les associations ont transmis des "citations complémentaires au dossier", nécessaires pour documenter de manière rigoureuse la présence de microplastiques, leurs volumes et leurs effets sur les milieux. Bernard Schmidt rappelle qu'une affirmation ne suffit pas devant un tribunal et qu'il faut "des preuves scientifiques, des mesures, des analyses".

Quatre décharges sauvages

Au coeur de l'affaire, quatre décharges sauvages laissées en place pendant des décennies à Contrexéville, They-sous-Monfort, Saint-Ouen-les-Parey et Crainvilliers. Elles représentent un volume totale 473 700 mètres cubes de déchets plastiques, soit l'équivalent de 126 piscines olympiques enfouies dans les sols vosgiens, depuis plus de vingt ans. La communication affichée aujourd'hui par Nestlé contraste fortement avec la réalité mise au jour dans les Vosges. Sur son site, le groupe affirme considérer "la pollution plastique comme l'un des enjeux environnementaux les plus urgents et assure vouloir tout mettre en oeuvre pour qu'aucun emballage ne termine un jour dans la nature ou dans une décharge". Pour les associations locales, ce discours ressemble à une prise de conscience tardive, difficile à concilier avec l'héritage laissé dans les forêts et les sols du secteur de Vittel. Un évènement récent a d'ailleurs renforcé leurs interrogations. En septembre 2025, la décharge de Saint-Ouen-les-Parey, autorisée dans les années 1980 et restée sans suivi depuis 2001, a été recouverte en urgence. "En quelques jours, le site a été clôturée, nivelé et entièrement végétalisé." raconte Bernard Schmidt. Pendant des décennies, rien n'avait bougé. Selon le collectif, cette opération aurait été demandée par la préfecture, avec l'appui de la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL). Une coïncidence qui interpelle à l'approche du procès. La multinationale n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2014, Nestlé aurait déjà tenté de faire disparaître, en toute discrétion, les déchets plastiques qui affleuraient dans l’une des décharges situées en lisière de forêt. Un entrepreneur vosgien, qui préfère rester anonyme, affirme au journal Libération avoir été sollicité au début de l’année par un haut cadre du groupe pour retirer les bouteilles visibles et éviter qu’elles ne finissent par attirer l’attention des promeneurs. La demande viendrait d’Agrivair, la filiale "verte" de Nestlé, propriétaire du terrain depuis 2001 et réputée pour ses actions pédagogiques sur les "bons gestes " en matière de déchets et protection de la ressource.

Comment Nestlé a racheté Vittel

Nestlé n’est pas le propriétaire historique de Vittel. Le groupe entre d’abord au capital de la Société générale des eaux minérales de Vittel (SGEMV) en 1969, avec une participation de 30 %. Cette prise de position s’étend progressivement au fil des années. En 1991, Nestlé prend le contrôle quasi total de la société en détenant 96 % de son capital. L’année suivante, Nestlé acquiert également le groupe Perrier, qui possède alors les marques Perrier, Contrex et d’autres eaux minérales.

2015, l'origine de l'affaire

L’origine de l’affaire remonte à 2015. Bernard Schmidt, médecin fraîchement retraité, s’installe à Vittel. Ornithologue amateur, il rejoint l’association Oiseaux Nature Vosges puis la Commission locale de l’eau (CLE). En consultant les dossiers, il découvre que des décharges de bouteilles plastiques subsistent autour de Vittel et Contrexéville. Cette prise de conscience le pousse à alerter les membres de la Commission locale de l’eau. Rapidement, la question des décharges refait surface dans les échanges. Les premières démarches auprès des autorités débutent, les signalements se multiplient et les associations tentent de comprendre comment un tel volume de déchets plastiques a pu rester en place si longtemps, au cœur d’un territoire où l’eau minérale constitue une ressource stratégique. Nestlé, pour s’en défendre, affirme que "les anciennes décharges ont été progressivement recouvertes par la végétation", au point d’être intégrées dans un écosystème naturel. L’entreprise soutient que cette évolution rend l’évaluation des impacts complexes et justifie le recours à une société externe chargée d’analyser les sols et les eaux du secteur. Cette explication laisse cependant perplexes les associations dont Collectif eau 88, qui rappellent que plusieurs de ces dépôts étaient encore visibles il y a peu et qu’ils n’ont jamais fait l’objet d’un suivi réel. Le procès attendu au printemps 2026 marquera une étape essentielle. Il ne s’agit plus uniquement de comprendre l’histoire de ces dépôts enfouis, mais bien de déterminer la responsabilité du pollueur et les conséquences environnementales qui en découlent. Si le principe du pollueur-payeur peut être mobilisé, il n’efface en rien les décennies durant lesquelles la dégradation des plastiques a contribué à contaminer les sols et les eaux souterraines du secteur de Vittel. À Lire aussi

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