Gestion de l'eau
L'appellation "Eau minérale naturelle" ne coule plus de source ?
22/05/2025
paru le 05/12/2024 par
Rédacteur en chef
L’eau potable, un élément vital de notre quotidien est-elle au centre d’une crise silencieuse et préoccupante ? Les pesticides et leurs produits de dégradation (métabolite) contaminent de plus en plus les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Une étude menée conjointement par les inspections générales des ministères de la Santé (Igas), de l’Agriculture (CGAAER) et de la Transition écologique (IGEDD), constate « l’échec global de la préservation de la qualité de l’eau pour ce qui concerne les pesticides ». Des produits phytosanitaires, comme les nomment les agriculteurs, dont certaines substances chimiques, sous la forme de métabolites, se retrouvent dans les nappes phréatiques et les cours d'eau, par effet de ruissellement et infiltration des sols. " Une molécule-mère de pesticide peut se dégrader en un ou plusieurs métabolites, eux-mêmes susceptibles ensuite de se dégrader en d'autres molécules. Comme les substances actives dont ils proviennent, les métabolites de pesticides ont des effets nocifs sur la santé et sur l'environnent ", détaille le rapport.
Pour les substances actives pesticides et leurs métabolites pertinents, la limite de qualité dans l’eau potable est fixée à 0.1 µg/L par substance individuelle. Pour le total des substances actives et des métabolites pertinents, la limite de qualité est de 0.5 µg/L.
Les zones de captage, où l'eau brute est prélevée pour être ensuite traitée et distribuée sont particulièrement exposées à la contamination par les pesticides et leurs métabolites. Ces aires sensibles couvrent environ 20 % du territoire français et alimentent près de deux tiers de la population en eau potable. Le rapport pointe des dépassements réguliers de seuils règlementaires de métabolites de pesticides dans certaines régions de la moitié nord de la France. Les départements de l'Aisne et du Calvados concentrent des taux alarmants de chlorothalonil et chloridazone, des pesticides utilisés dans la culture des céréales et de la betteraves, jusqu'à 0.2 microgrammes /litre. Selon les inspections " ces ressources ne devraient plus être utilisées pour produire de l'eau potable, elles devraient être abandonnées ". Cette pollution a contribué à la dégradation de nombreuses sources d'eau, obligeant d'abandonner environ 12 500 captages entre 1980 et 2019. La pollution diffuse, issue de l'agriculture, a été identifiée comme la première cause dans 41 % des cas.
D'après une enquête menée par l'association "Générations Futures" , agréée par le ministère de l'écologie, " la pollution des eaux françaises par les métabolites est très sous-estimée ". L'association se réfère aux travaux de l'agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation , de l'environnement et du travail ( ANSES): " Sur les 88 substances actives étudiées, 39 génèrent 79 métabolites susceptibles de contaminer les eaux souterraines au-delà de la norme de 0.1 microgramme / litre ". Parmi eux, 56 métabolites n'ont fait l'objet d'aucun suivi, ni dans les eaux souterraines, ni dans les eaux potables. En 2021, ce sont plus de 8330 tonnes de ces substances à risque qui ont été vendues en France. La méthodologie est l'une des causes du non-suivi de ces métabolites, souligne les trois inspections ministérielles dans son rapport de 600 pages. Elles mettent en lumière " un échec globale " de la surveillance de l'eau potable en France et pointent des failles majeures dans les approches analytiques, la règlementation et notamment la gestion des nouveaux polluants émergents tels que les métabolites, les résidus pharmaceutiques ou les substances per-polyfluoroalkylées (PFAS). Ces lacunes conduisent à une sous-estimation des risques sanitaires et environnementaux. Les analyses actuelles se concentrent sur une liste limitée de substances réglementées et sont calibrées pour chaque polluant analysé. Par conséquent, elles passent à travers la détection de polluants émergents ou inconnus.
Selon la base de données de l’UE sur l’utilisation des pesticides, la France est le deuxième pays de l’Union à utiliser le plus grand nombre de substances actives (296), juste derrière l’Italie (301) mais devant l’Espagne (293). La France a aussi obtenu ces 12 derniers mois 72 dérogations de 120 jours permises par le règlement de 2009, « loin devant l’Allemagne (61) et l’Autriche (41) ».
Ce constat alarmant souligne l'urgence de réformer les approches actuelles pour garantir la qualité de l'eau consommée par des millions de français. L'un des points centraux du rapport est le manque de financement alloué à la surveillance et la gestion des ressources hydriques : " Les collectivités locales, qui gèrent la majorité des captages, disposent de budgets trop restreints pour réaliser des analyses approfondies. Les agences de l'eau, chargées de financer les efforts de dépollution et de prévention souffrent de sous-financement aggravé par la suppression récente de redevances sur les pesticides . Les stations d'épurations sont dépassées face aux nouvelles menaces tels que les polluants éternels (PFAS)...". Le rapport préconise donc une série de mesures à mettre en place d'urgence, allant de la création de " zones soumises à contrainte environnementale" pour les aires de captage en dépassement, à une refonte des autorisations de mise sur le marché de certaines substances chimiques, "voire d'envisager une agriculture plus durable", faut-il encore en avoir les moyens. Aussi, les inspections missionnées mettent l'accent sur la création d'une base de données nationale regroupant les résultats des analyses, avec une meilleure synergie entre les agences de l’eau, les collectivités locales, les agriculteurs, les industriels, les autorités nationales et européennes, les laboratoires de recherche, et les citoyens. Sans cette collaboration, les efforts individuels risquent de rester insuffisants face aux défis complexes posés par les polluants modernes. A ce jour aucune de ces recommandations n'ont été mises en oeuvre, ni prises en compte dans le budget 2025, alors que le gouvernement Barnier vient juste de démissionner.
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