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Gestion de l'eau / Stratégies et gestion

Veiller au bien commun, la Coordination Eau Île-de-France en première ligne

L’eau est un bien commun à tous. Mais encore faut-il en garantir l’accès, la transparence et la gestion démocratique. En Île-de-France, région la plus peuplée de France, la Coordination Eau s’est imposée comme un acteur incontournable. En quinze ans, l’association a su fédérer citoyens, collectivités et associations autour d’un même objectif : défendre l’eau contre les logiques de rentabilité et les abus de pouvoir.

paru le 19/06/2025 par

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Nicolas Vignot

Rédacteur en chef

Depuis plus de quinze ans, la Coordination eau Île-de-France agit avec une constance rare pour défendre " l'eau " un bien commun souvent invisible mais néanmoins vital. Face à une gestion longtemps opaque et centralisée, l'association s’est donnée pour mission de rendre la gouvernance de l’eau lisible, démocratique et équitable. "À l’époque, les citoyens n’avaient quasiment aucune prise sur la façon dont l’eau était gérée. Il fallait ouvrir les portes de cette boîte noire ", raconte Vanessa Charlotte, responsable de projet de la Coordination Eau Île-de-France

Informer, mobiliser et outiller

Informer, mobiliser, outiller : voilà le triptyque qui guide l’association depuis ses débuts. Sur le terrain comme en ligne, elle œuvre à constituer une masse critique citoyenne face aux intérêts privés qui pèsent sur la ressource, en particulier dans un territoire aussi stratégique que l’Île-de-France, où les grands groupes comme Veolia ou Suez sont historiquement implantés. Au fil des années, le combat pour une gestion publique et transparente de l’eau s’est élargi. L’association milite désormais aussi pour le rétablissement du cycle de l’eau dans les milieux naturels, pour la reconnaissance effective du droit humain à l’eau, et contre toutes les formes de coupure. En 2014, à la suite de la loi Brottes interdisant les coupures d’eau pour impayés, l’association avait mis en ligne un formulaire d’aide juridique qui a suscité plus de 2000 témoignages de personnes privées d’eau malgré cette interdiction. Aujourd’hui, même si la loi interdit les coupures d’eau, des stratégies de contournement subsistent. Certains propriétaires n’hésitent pas à fermer les arrivées pour pousser des locataires précaires à partir. Dans les camps de migrants, l’eau est tout simplement refusée, pour empêcher toute forme d’ancrage. Partout, elle devient un levier de pression sociale. " L’eau est le premier moyen de subsistance. Dans le privé, c’est une stratégie de contrôle", souligne Vanessa Charlotte

Reconnaissance du droit humain à l'eau

La Coordination Eau Île-de-France compte aujourd'hui environ 200 adhérents citoyens, une quarantaine de structures associatives, et 13 collectivités franciliennes. Tous partagent les mêmes valeurs: reconnaissance du droit humain à l'eau et à l'assainissement, préservation de la ressource dans son milieu naturel et gouvernance démocratique. Au-delà de la mobilisation, l'association forme ses membres et mène des actions d'éducation populaire. Elle développe des classes "Eau et climat" en école primaire, les enfants apprennent le fonctionnement et les perturbations du cycle de l'eau. Elle organise également des balades urbaines en partenariat avec l'association Vivacité pour redécouvrir la place de l'eau dans la ville et les paysages. Coordination Eau Île-de-France est également à l'origine du label " Université bleue", visant à supprimer les bouteilles en plastique dans les établissements d'enseignement supérieur et à sensibiliser les étudiants aux enjeux de l'eau. Deux expositions sont en cours de réalisation : " Eau et arbres et " Sol et eau."

Jean-Claude Oliva est le directeur de la Coordination Eau Île-de France et Président de la régie publique de l'eau d'Est Ensemble

Un rayonnement hors frontières régionales

Son rayonnement dépasse désormais le cadre régional. l'association entretient des liens actifs avec des hydrologues et ONG de Colombie, d'Inde, de Slovaquie ou du Royaume-Uni, avec qui elle mène des projets européens et des échanges de bonne pratiques. Elle a notamment collaboré avec l'hydrologue Michal Kravčík dans le cadre d'un programme tripartite entre la France, l'Angleterre et la Slovaquie. En 2015, l'association co-produit le film "Vague Citoyenne" de François Guieu, avec le soutien de la Fondation Danielle Mitterrand. Un documentaire qui retrace les luttes pour la gestion publique de l'eau, car ici les combats s'écrivent aussi en images, en récits et en alliances. " Ce qu'on fait, c'est aussi du contre-pouvoir. On produit de la connaissance, de l'analyse, de la stratégie politique, et on fait le lien entre le terrain et la gouvernance", explique Vanessa. Plus qu'un relais local, l'association francilienne est devenue en quinze ans un acteur structurant de la défense de l'eau comme bien commun. Un trait d'union entre expertise, mobilisation citoyenne, pédagogie et plaidoyer. Une sentinelle sur laquelle , l'eau, notre bien commun à tous, peut encore compter.


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