Pedag’eau
Qu'est-ce que le bassin versant ?
06/04/2025
paru le 08/05/2025 par
Rédacteur en chef
Du haut de ses 56 ans, Pierre Dugowson, le natif de Paris, a le regard vif et la parole engagée. Le cinéma, c’est toute sa vie, même si à son adolescence, il a tenté de se persuader qu’il ne suivrait jamais la voie de son père. "Comme il était réalisateur, je ne voulais surtout pas le devenir. C’était très humiliant pour un ado ", confie-t-il. Mercredi 7 mai 2025, sort au cinéma son nouveau film, "Les Femmes et les Enfants d’abord", distribué par Malavida , comme quoi il ne faut jamais dire "jamais". Ce moyen-métrage audacieux réunit dix de ses courts-métrages, réalisés sur une décennie , entre satire sociale et enjeux écologiques, le ton est donné. " L’ordre des courts n’est pas chronologique, mais il fallait trouver une cohérence esthétique et politique. Il me semble qu’on l’a trouvée" , explique le réalisateur. A travers cette oeuvre libre et engagée, Pierre Dugowson insuffle un vent de fraîcheur dans un monde en réchauffement, mêlant l'art de l'absurde et la poésie, sans jamais diluer la force de son message engagé. .
Si le cinéma est aujourd’hui une réalité incontournable pour Pierre Dugowson ,comme ce fût le cas pour son père avant lui, ce diplômé de l’École Nationale Supérieure Louis-Lumière (promotion 1992) est tombé dans la cinéphilie étant petit. Enfant, il passait des journées entières enfermé dans sa chambre, les yeux rivés sur les films muets de Douglas Fairbanks, entre autres. "On en avait plein à la maison", se souvient-il. Mais c’est un court-métrage tout aussi muet, Entr’acte, œuvre dadaïste signée René Clair et Picabia, mise en musique (version orchestrale recommandée) par Erik Satie, qui plus tard déclenche en lui un véritable déclic : "l’envie de faire comme eux , des films." Réalisé en 1924, Entr’acte s’inscrit dans cette catégorie de films qui impressionnent par leur liberté de ton, leurs propositions esthétiques audacieuses et leur énergie débridée. Le jeune Pierre y est particulièrement sensible, au point de s’en inspirer. Dans "Les Femmes et les Enfants d’abord", Pierre Dugowson s’empare de sujets parfois sensibles, "des réactions épidermiques à des faits de société", explique-t-il, des choses qui le révoltent. À la manière des dadaïstes qui détournaient la réalité pour en révéler l’absurdité, il en fait un travail d’auteur : tordre le réel, le déconstruire, et en tirer une comédie politisée, à la fois grinçante et poétique mais néanmoins accessible. lI n’a pas de méthode de travail à proprement parler. "Une sensibilité, oui", précise-t-il. "J’ai pris l’habitude de ne jamais noter une idée quand elle arrive. Si elle survit plus de 24 heures dans ma tête, alors je commence à m’y intéresser. Sinon, c’est qu’elle n’en valait pas la peine."
Pierre Dugowson filme comme il pense : avec une conscience politique aiguë et une volonté farouche de bousculer les évidences à l'instar du Dadaïsme. Il part du réel et s’autorise à en décaler les lignes. Dans le court-métrage "2030", il met en scène un futur proche, étouffé par une chaleur de 50 degrés. Des enfants s’amusent à gaspiller de l’eau avec des pistolets en plastique. L’un d’eux reste en retrait : ses parents n’ont pas payé la facture d'eau, il ne peut qu’observer les autres jouer. Une scène simple, presque absurde, qui dit pourtant tout d’un monde inégal, où même l’eau devient un privilège. "J’ai toujours pensé que l’écologie devait passer par la politique", affirme-t-il sans détour. Pierre Dugowson se revendique clairement de gauche et ne croit pas aux passerelles entre l'écologie et la droite. À ses yeux, le capitalisme, le néolibéralisme et le libertarianisme sont, par nature, incompatibles avec toute démarche écologique. "Ce sont des systèmes fondés sur l’exploitation, la croissance infinie, la compétition… tout ce contre quoi l’écologie lutte." Un engagement politique qu’il met au service de son art, sous toutes ses formes : cinéma, documentaire, photographie. Dans les documentaires Heidi’s Ice et Glaciers d’Arctiques ,état des lieux, Pierre Dugowson explore les frontières mouvantes entre science, écologie et regard artistique. En photographie, son travail (Activism Works) prolonge ce même geste : rendre visible ce qui dérange. L’image, pour lui, est un langage à part entière .Une manière d’alerter sans asséner, de faire passer un message sans sacrifier l’émotion.
La comédienne Ophélia Kolb photographiée pour AW
Avec "Les Femmes et les Enfants d’abord", Pierre Dugowson signe une œuvre singulière et démontre qu’un film peut être à la fois drôle, politique et esthétique. L’homme se reconnaît une impatience farouche : "Je ne veux dépendre ni de l’accord d’une chaîne, ni du CNC, ni de qui que ce soit." Il a fait de cette liberté le cœur même de son processus de création. Tous ses courts-métrages sont conçus pour être tournés en une seule journée. Une contrainte pleinement assumée, rendue possible grâce à une équipe technique fidèle et à des acteurs d’exception. "Ce sont des pointures, des gens avec qui on peut travailler vite, bien, et avec une vraie dimension." Une troupe d'acteurs qui reconnaissent en Pierre Dugowson " un réalisateur méticuleusement très bon", selon les mots partagés lors de l’avant-première du film, en janvier 2025.
Info+ "Les femmes et les enfants d'abord" : sortie en salle le 7 mai 2025 10 courts métrages: "Conte sauvage", "Supermarket", "Leçon de choses", "Jusqu'à écoulement des stocks", "La 5e", "Stuck Option", "Plastic Shopper", "Dinosaure", "2030" et "Binge Box". Avec: Ophélia Kolb, Emilie Caen, Solène Rigot, Nicole ferroni, Géraldine Martineau, Théo Cholbi.. Distribution: Malavida Production: cosmonaute 391