Gestion de l'eau
Le cycle de l'eau, clé de voûte de nos écosystèmes
16/01/2025
paru le 07/07/2025 par
Rédacteur en chef
L’eau de pluie, tant attendue après une période de canicule, vient rafraîchir l’atmosphère… mais ce n’est pas sans conséquence. Dans les villes, celle qui nettoie nos rues, celle qui ruisselle et disparaît dans les caniveaux, emporte tout sur son passage , y compris ce que l’œil nu ne voit pas : hydrocarbures, métaux lourds, micro-plastiques, résidus de médicaments, PFAS…Un cocktail chimique invisible, véhiculé en surface, qui vient alimenter les réseaux d’assainissement ou s’infiltrer dans les milieux naturels. Une pluie qui semble bienfaitrice, mais qui devient, en milieu urbain, un vecteur de pollution à part entière, jusque dans nos fleuves.
Alors oui, nous sommes heureux, après un siècle d’interdiction, de revoir les baigneurs plonger dans la Seine. L’image ravive une mémoire populaire, un air de guinguette et de liberté retrouvée. Mais l’équilibre reste fragile, entre le plaisir concret de se rafraîchir et la crainte persistante d’une contamination invisible. Dans quel monde vivons-nous, si même l’eau d’un fleuve nettoyé peut encore inquiéter ? Le réseau d'assainissement parisien reste majoritairement unitaire, c'est-à-dire qu'il collecte à la fois les eaux usées domestiques et les eaux pluviales dans une même canalisation. Un système hérité du XIXe siècle, efficace en temps sec, mais très vulnérable en cas de pluie. À la moindre averse, les canalisations débordent, et une partie du trop-plein est rejetée directement dans la Seine, via de nombreux déversoirs d'orage. Pour limiter ces rejets, la Ville de Paris a investi dans de nouveaux équipements, comme le bassin de stockage Austerlitz, d'une capacité de 50000 m3, conçu pour retenir temporairement les eaux usées et pluviales lors des fortes précipitations. Une solution technique impressionnante, mais qui ne suffit pas toujours à contenir les débordements lors des pluies intenses. Autrement dit, la pluie devient une part importante de la pollution du fleuve, et peut remettre en cause, du jour au lendemain, les efforts entrepris pour en améliorer la qualité.
En raison de la pluviométrie, les sites de baignades dans la Seine à Paris n’ont pas pu ouvrir dimanche 6 juillet 2025. ( site du Bras-Marie, 75005)
Paris n’est qu’un exemple parmi d’autres. Cette problématique concerne toutes les zones urbaines denses et imperméabilisées. Une étude publiée en 2021 dans la revue Science of the Total Environment, intitulée Urban stormwater: An overlooked pathway of extensive mixed contaminants to surface and groundwaters in the United States, apporte un éclairage saisissant. Menée par le US Geological Survey, elle repose sur 52 prélèvements d’eau de ruissellement effectués lors de 50 épisodes de pluie, répartis dans 21 bassins versants urbains à travers 17 États américains (dont l’Iowa, l’Illinois, le New Jersey, l’Oklahoma, la Californie, le Wisconsin, la Pennsylvanie, le Michigan ou encore le Nebraska.) Les sites étudiés couvraient une diversité de contextes : zones métropolitaines, suburbaines et industrielles. Les résultats sont sans appel : la plupart des sites présentaient 73 substances chimiques détectées par site, avec plus de 400 composés organiques (avec carbone lié à de l'hydrogène) et près de 60 substances inorganiques (sans carbone d'origine minérale ) analysés au total. Ce ruissellement urbain forme un véritable cocktail de pollution, composé d’hydrocarbures aromatiques, de pesticides, de produits pharmaceutiques, de perturbateurs endocriniens, de métaux lourds, de micro-plastiques, et surtout de PFAS, ces composés per- et polyfluoroalkylés surnommés polluants éternels. " Dans certaines conditions, la concentration de contaminants dans les eaux pluviales dépasse celles retrouvées dans des eaux usées traitées " , soulignent les auteurs. Et ce constat ne s'arrête pas là. S les eaux pluviales en ville concentrent déjà des dizaines de substances toxiques, la contamination ne connaît plus de frontières. En 2022, Ian Cousins, Chercheur à l'université de Stockholm, publie une étude marquante dans la revue Environmental Science et Technologie. Selon ses travaux, " il n'existe plus aucun endroit sur Terre ou l'eau de pluie respecte les normes sanitaires recommandées notamment pour les PFAS." Même sur le plateau tibétain ou en Antarctique, ces polluants éternels, présents dans l'atmosphère retombent avec les précipitations, contaminant les milieux les plus reculés. "Il faut se faire à l’idée que l’eau de pluie n’est plus potable nulle part sur Terre. Ce n’est plus une ressource propre. ", alerte Ian Cousins.
Face à ce constat, l'agence nationale de sécurité sanitaire ( ANSES) a établi une liste de valeurs pour vingt PFAS dans l'eau potable. Un outil indispensable pour guider les politiques publiques, mais très en deçà des enjeux environnementaux. Depuis 2015, l'ANSES alerte sur la dangerosité des eaux pluviales en ville, notamment lorsqu'elles sont réutilisées pour l'arrosage ou le nettoyage des voiries. En 2023, elle publiait un avis recommandant des conditions sanitaires strictes pour tout usage non potable de ces eaux dites non conventionnelles. "Les eaux pluviales collectées sur des surfaces imperméabilisées peuvent contenir des contaminants chimiques ou microbiologiques à des niveaux préoccupants. " ( Sources Anses, Avis EAUX2023SA0064) Alors que faire ? Ce qui semblait encore, il y a peu, une ressource inoffensive se révèle être une source importante de pollution, dans nos villes comme dans les coins les plus reculés de la planète. Des solutions existent: interdire les substances persistantes, repenser l'aménagement urbain, désimperméabiliser les sols, et mieux encadrer les usages. Encore faut-il un changement de regard, voire de paradigme, car ce qui tombe du ciel aujourd'hui, n'est déjà plus propre...
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